Le Cabinet d’études spécialisé en droit des télécommunications et du numérique en Afrique centrale, Law and Technologies (L&T), a publié, ce jeudi 8 mai, un premier numéro du focus droit et numérique.
RÉSUMÉ
L’octroi d’une licence à la société Starlink DRC SA par arrêté Ministériel n° CAB/M|N/PT&N/AKIM/KL/Kbs/003/2025 du 27 janvier 2025 portant attribution de la Licence de Réseau et Services des Télécommunications à la société dénommée STARLINK DRC SA, pris par le Ministre des Postes, Télécommunications et Numérique constitue une avancée significative dans l’écosystème numérique
congolais. Parmi les priorités du gouvernement figure le renforcement de la connectivité numérique sur l’ensemble du territoire national, afin de fournir une connexion Internet aux écoles,
centres de santé et infrastructures rurales. Il s’agit également de renforcer l’inclusion numérique dans les services publics, dans le but de les rendre plus efficaces et performants, et de faire du numérique un levier de développement socio-économique.
Dans le contexte actuel, où le marché de l’Internet est fortement dominé par les entreprises de télécommunications, l’arrivée de Starlink pourrait bouleverser l’écosystème en introduisant une nouvelle forme de concurrence bénéfique pour les consommateurs. Selon les dernières statistiques disponibles pour le troisième trimestre de l’année 2024, 32.161.331 Congolais se sont abonnés ou ont consommé des services d’Internet mobile auprès des quatre principales entreprises de télécommunications : Vodacom, Airtel, Orange et Africell.
Cet article analyse tant les implications que l’impact de cette autorisation en procédant à l’examen des aspects réglementaires, les avantages en matière de couverture nationale, la concurrence avec les opérateurs œuvrant dans le secteur et les conséquences fiscales
INTRODUCTION
En République Démocratique du Congo
L’accès à internet demeure un défi majeur. La couverture limitée et les coûts élevés pour les utilisateurs illustrent ce défi. Ceci s’explique par le fait que les infrastructures terrestres telles que la fibre optique ont du mal à atteindre l’arrière-pays, laissant ainsi une partie considérable de la population sans accès fiable au réseau internet.
L’avènement de Starlink DRC SA semble en mesure de transformer ce paysage en offrant une alternative aux réseaux traditionnels. Contrairement à ces réseaux traditionnels proposant une connectivité par la fibre optique, Starlink DRC SA propose une connectivité via satellite. Dans cet ordre d’idées, cette avancée technologique est perçue comme une solution efficace dans la couverture nationale et dans la fourniture d’un service d’accès à internet fiable. Cet avènement bien qu’offrant divers avantages suscite néanmoins des préoccupations notamment en matière de flux de données et de concurrence avec les fournisseurs déjà établis.
Aspects légaux et réglementaires
L’ARPTC s’est montrée pendant longtemps réticente quant à l’octroi de cette licence à cause, entre autres, de la gestion des flux de données. Suite à cela, l’autorisation accordée à Starlink a fait appel à des conditions strictes dont l’homologation des équipements, la gestion des données sensibles qui a pour corollaire la protection des données des utilisateurs ainsi que le respect des règles relatives à la concurrence.
Le respect des règles relatives à la concurrence s’inscrit dans l’optique de l’article 13.1 de la loi n° 20/017 du 25 novembre 2020 relative aux télécommunications et aux
technologies de l’information et de la communication qui dispose que l’autorité de régulation a pour mission de promouvoir la concurrence et la participation du secteur privé dans les télécommunications et des technologies de l’information et de la communication.
Avantages en matière de couverture nationale
L’un des principaux avantages de Starlink réside dans sa capacité à fournir une connectivité haut débit même dans les zones reculées. A cet effet, il convient de préciser qu’au moins 70% des zones rurales en RDC connaissent un déficit important en termes d’accès à internet. En effet, la
répartition des abonnements à internet mobile en RDC révèle des disparités significatives entre provinces, avec Kinshasa en tête. Les efforts de couverture par les opérateurs mobiles traditionnels accusent une pénétration de l’internet mobile à moins de 31% au premier semestre 2024 selon les données de l’ARPTC.
L’autorisation accordée à Starlink DRC SA, filiale de la société américaine SpaceX, spécialisée dans la fourniture d’internet par satellite s’inscrit donc comme une option sérieuse pour l’amélioration de la couverture réseau dans les régions isolées de la RDC.
Un partenariat stratégique pour la connectivité entre Airtel Africa et Starlink
Dans un communiqué publié en date du 05 mai 2025, Airtel Africa a annoncé un partenariat avec le groupe SpaceX afin de proposer des solutions de connectivité de Starlink à ses clients en Afrique. La collaboration entre Airtel Africa et Starlink devra renforcer leurs capacités
respectives de connectivité. L’objectif de ce partenariat est d’étendre l’accès à Internet même dans les régions éloignées couvertes par d’autres moyens d’infrastructures classiques (fibre optique).
Les acteurs clés à atteindre dans ce partenariat sont les acteurs socio-économiques (entreprises, écoles, zones rurales, etc.) Cette extension se fera grâce au backhauling qui implique l’utilisation des satellites de Starlink par Airtel afin d’étendre son réseau mobile dans les zones reculées dans lesquelles l’installation de la fibre est difficile.
En outre, Airtel et Starlink veulent réduire la
fracture numérique en Afrique. Ce partenariat d’Airtel et Starlink s’inscrit dans l’optique d’un partenariat stratégique tant sur le plan de la concurrence avec les opérateurs locaux qu’en termes d’accessibilité numérique. Cet accord ne se limite pas seulement à l’accès à Internet. Cela ouvre la voie à des initiatives innovantes aussi bien dans les télécommunications que dans des secteurs comme l’éducation, la santé et la finance numérique.
Ainsi, cet accord illustre une mutation vers des solutions hybrides de connectivité qui combinent à la fois infrastructures terrestres et satellites afin de relever les défis de connectivité au sein du continent en Afrique et plus particulièrement en RDC.
Impact sur la concurrence
La présence de Starlink en tant que fournisseur de réseau internet vient redéfinir l’équilibre concurrentiel dans le secteur. En effet, sur le marché congolais de l’Internet mobile, Vodacom domine la concurrence avec 12 115 861 abonnés, représentant 37,67% de parts de marché au troisième trimestre 2024. Orange suit avec 9 885 533 abonnés soit 30,74%, tandis qu’Airtel détient 9 290 253 abonnés, correspondant à 28,89%.
Africell ferme la marche avec 869 684 abonnés, soit 2,70% du marché. L’ensemble du secteur a généré un chiffre d’affaires estimé à 254,29 millions USD TTC au cours de cette même période.
Par ailleurs, les opérateurs traditionnels n’ayant pas encore la capacité de couvrir l’ensemble des zones rurales, font face à la concurrence de Starlink, qui se positionne comme un concurrent de taille puisqu’ offrant une connectivité par satellite couvrant ainsi une vaste étendue du
territoire national.
En outre, malgré les progrès significatifs réalisés par les sociétés de télécommunications dans la fourniture de services Internet, plusieurs interrogations subsistent quant à l’accessibilité du marché et à la qualité des services offerts et bien que les opérateurs mobiles dominent actuellement le secteur, l’arrivée de Starlink pourrait marquer un tournant stratégique. Grâce à son offre de très haut débit via satellite, Starlink se présente comme une solution particulièrement adaptée aux zones enclavées. Son potentiel d’intégration s’inscrit pleinement dans la dynamique des politiques publiques visant la transformation numérique et la digitalisation des services publics (administration, santé, éducation, défense nationale).
En revanche, le coût élevé du matériel requis pourrait constituer un frein potentiel à l’adoption de masse. Sa dépendance à l’électricité, combinée à la surtaxation du secteur des télécommunications, risque d’entraîner une hausse du prix de l’abonnement, compromettant ainsi sa compétitivité, alors même que Starlink
est réputé offrir des tarifs plus abordables que les fournisseurs traditionnels dans les 18 pays africains où il est déjà présent.
Avantages fiscaux
Filiale de SpaceX, Starlink DRC SA est une société commerciale de droit congolais. Ainsi sa domiciliation fiscale est la RDC. Ceci constitue un avantage en ce sens que l’autorisation accordée à Starlink vient agrandir l’assiette fiscale congolaise.
En effet, il est clair que ce nouvel investissement contribuera de manière significative à l’élargissement de l’assiette fiscale, d’autant plus que le secteur des télécommunications constitue l’un des principaux leviers de mobilisation des recettes domestiques. Au premier trimestre de l’année en cours, le secteur a enregistré une croissance de 9,9%, contre 7,2% en 2023. Cette progression est principalement attribuable à la diversification et à la multiplication des offres promotionnelles, qui ont stimulé la consommation et accru les revenus. Par conséquent, Starlink DRC SA est assujetti à tous les impôts et taxes imposables aux sociétés commerciales congolaises.
Conclusion
L’autorisation accordée à Starlink DRC SA marque le début d’une nouvelle phase pour l’inclusion numérique en RDC. Grâce à l’intégration de technologies satellitaires, elle contribue à la réduction des barrières d’accessibilité, dynamise l’économie numérique et génère des nouvelles
opportunités fiscales tout en renforçant la compétitivité et la concurrence dans le secteur des télécommunications.
Think Tank Law and Technologies (L&T)