Le vent tourne pour EquityBCDC. Devenue, depuis sa fusion avec la Banque Commerciale du Congo (BCDC), l’une des institutions financières les plus influentes du pays, la banque est aujourd’hui la cible d’un flot croissant de plaintes de ses clients, dénonçant des pratiques bancaires jugées abusives, des erreurs récurrentes et des soupçons de fraudes internes. Un climat de défiance s’installe.
Tout a commencé en décembre 2024, lorsqu’un rapport du Mouvement National des Consommateurs Lésés (MNCL) a sonné l’alarme concernant des prélèvements inexpliqués sur les comptes de plusieurs clients EquityBCDC. D’après les témoignages, ces frais sont appliqués sans prévenir et sans justification claire.
« Nous avons constaté des retenues injustifiées sur des comptes d’épargnants, sans la moindre transparence », dénonce le MNCL. L’organisation demande une remise à plat complète de la politique de tarification de la banque et une amélioration rapide de son service clientèle.
Face à cette pression, la direction d’EquityBCDC reste silencieuse, sans clarifier l’origine de ces prélèvements.
L’année 2023 n’a pas été aisée. La fusion entre Equity Bank Congo et la BCDC a engendré une série de problèmes techniques, des retards de traitement et des difficultés d’accès aux distributeurs automatiques.
En janvier 2023, la disparition temporaire de 11 millions de dollars américains dans les fonds de transit a semé l’inquiétude. Des files d’attente interminables se sont formées devant les agences, et des rumeurs sur un possible effondrement d’Equity ont commencé à circuler.
À Mbuji-Mayi, en juillet 2023, une cliente a accusé des employés de l’agence locale d’avoir volé 12 000 dollars de son compte. L’enquête interne a révélé un réseau organisé. Cependant, selon certaines sources, la principale suspecte n’aurait pas été inquiétée, tandis que d’autres employés, apparemment innocents, ont été sanctionnés.
Ce traitement inégal a suscité des critiques sur des pratiques internes injustes et un système qui protégerait certains employés malhonnêtes.
Les problèmes ne s’arrêtent pas là. En juin 2025, la maison mère, Equity Group Holdings, a licencié 1 200 employés au Kenya pour une fraude massive estimée à 15,4 millions USD. L’enquête a révélé des transferts bancaires illégaux, l’utilisation de comptes offshore fictifs et la complicité supposée d’employés.
L’affaire prend une dimension régionale. L’audit est maintenant étendu à EquityBCDC en RDC, où les responsables cherchent à identifier d’éventuels complices. L’inquiétude grandit chez les clients congolais, car EquityBCDC détient plus de 27 % du marché bancaire national.
En juillet 2024, une autre affaire a terni l’image de la banque. Un client a affirmé avoir été faussement accusé d’un retrait de 251 289 dollars américains qu’il n’aurait jamais effectué. Arrêté, menotté et humilié publiquement, il a finalement été libéré après plusieurs jours de détention.
« Il n’a jamais touché cet argent. Le système de la banque a manifestement été piraté à son insu », a déclaré un avocat proche du dossier.
Au tribunal, plusieurs employés de la banque se rejettent la responsabilité. Le procès est toujours en cours.
Face à ces événements, une question se pose : EquityBCDC peut-elle encore inspirer confiance ?
Les clients se sentent trahis. Sur les réseaux sociaux, notamment sur X (anciennement Twitter), les plaintes et témoignages sont fleuve. Certains parlent de « vol organisé », d’autres évoquent une « mafia bancaire sous couverture légale ».
Des appels sont lancés à la Banque Centrale du Congo (BCC) pour un contrôle plus strict, tandis que les syndicats internes et les associations de défense des consommateurs exigent un audit externe indépendant, une refonte de la gestion interne et des dédommagements pour les victimes.
Dans ce contexte difficile, EquityBCDC doit également céder 35 % de ses parts à des actionnaires congolais d’ici juillet 2026, conformément à la loi bancaire en RDC. Cette échéance pourrait entraîner des changements importants dans la structure de l’entreprise.
Pour l’instant, la banque reste silencieuse, une attitude qui risque de lui coûter cher, tant sur le plan juridique qu’en termes de réputation.
La confiance est essentielle dans le secteur bancaire. Chez EquityBCDC, cette confiance semble avoir disparu. Pour la rétablir, il faudra bien plus que des communiqués de presse : une refonte profonde, des responsabilités clairement établies et un engagement ferme envers la transparence.
Marcus SALOMÉ |NUMÉRICO.CD