Internet est devenu quasi indispensable dans nos sociétés modernes. Le fait de souscrire aux services d’un fournisseur d’accès Internet ne devrait pas constituer un motif d’asservissement ou même entraîner des tourments. Dès lors, l’abonné et le fournisseur sont engagés dans un contrat, tacite ou non, et une passerelle des obligations contractuelles – droits et devoirs – s’y installe.
Seulement, en République Démocratique du Congo (RDC), c’est une toute autre histoire.
En dépit des efforts consentis par le Régulateur pour s’assurer que “les citoyens bénéficient pleinement des services fournis par les opérateurs” – suivant la loi télécom – numerico.cd fait un constat des plus troublants sur des cas récurrents de préjudices. C’est le cas de CanalBox, un opérateur qui fournit la connexion internet via sa box “fibrée” à ses abonnés en RDC.
Cet opérateur français se noie sous une vague déferlante de réclamations dont elle peine à résoudre les problèmes dans les délais qu’elle a pourtant elle-même fixés.
Naissance et espoirs
Tout a commencé en fin d’après-midi du 10 décembre 2021, au Cercle Gourmand, un cadre du Cercle de Kinshasa connu pour ses activités sociales dont le golf est la plus répandue. Augustin Kibassa Maliba, alors Ministre des Postes, Télécommunications et Nouvelles Technologies de l’Information et Communication (PTNTIC), est aux premières loges. Motif : le Groupe Vivendi Africa (GVA) – opérateur télécom français spécialisé dans la fourniture d’accès internet haut débit en Afrique – vient de poser ses valises dans la métropole congolaise. Officiellement, ce jour marque le lancement de son produit phare à savoir Canalbox, une box connectée à la fibre optique pour la connexion Internet.
Avec un taux de pénétration d’Internet en dessous de 17% pour une population estimée à près de 100 millions d’habitants, la République Démocratique du Congo présente d’importants défis en matière de connectivité, et Augustin Kibassa le sait très bien. Ce dernier voit en Canalbox, comme dans plusieurs autres avant elle, une occasion, à la fois de réduire la fracture numérique, de bousculer positivement la concurrence et surtout de créer des emplois, alors que le pays tente de se relever des effets négatifs de Covid-19.
La particularité de GVA, c’est de directement cibler les foyers avec sa box. Pour ce faire, le Groupe construit, exploite et commercialise ses propres réseaux en fibre optique jusqu’au domicile (FTTH – Fiber to the Home) .
Dans sa phase pilote, quelques communes périphériques seront ciblées notamment Kintambo, Gombe et Lingwala. Deux offres en connexion illimitée : Start, à 49$ par mois avec un débit de 10Mbps pouvant connecter jusqu’à 5 appareils ; Premium à 89$ par mois avec un débit de 50Mbps pouvant connecter jusqu’à 15 appareils.
À peine quelques mois auront suffi pour que Canalbox soit adoptée dans la plupart des ménages des communes sous-couvertures. Peu à peu le cercle s’agrandit et les ambitions se dessinent. La ville de Goma, à son tour, fera l’expérience de la box “fibrée” : un franc succès !
Seulement, même la plus belle de roses a ses épines et le Service Après-Vente (SAV) de CanalBox en est une, de plus pointue dont les caractéristiques laissent à désirer.
ACTE 1
LE MUR DU SILENCE : TÉMOIGNAGES DE FRUSTRATION
Se réabonner et avoir instantanément la connexion Internet, c’est cela la promesse. Mais en réalité, ce sont des jours, voire des semaines – offline – qui s’écoulent où le Service Après-Vente de Canalbox se découvre une passion dans l’art de promettre et de vous laisser sur le carreau.
Connu sur le réseau social X sous le pseudo Central, cet influenceur s’interroge : “Yango @CanalboxRdc essaie technique na bango eza nde na congo” [ la RDC est-il un terrain d’essai technique pour Canalbox ? ] avant d’ironiser : “Soki nanu @CanalboxRdc elelisa yo te ce que Oza leki ya mukolo @canalplus” [ Si Canalbox ne t’a jamais fait pleurer, il faut croire que tu es le petit-frère du propriétaire de Canalplus ].
A sa suite, François Ngituka, identifié sur le réseau social comme Assistant Comptable & Fiscal – Licencié en Sciences Informatiques – a plutôt lâché : “Nga kutu mutema esukaki” [ Moi, j’en suis déjà à bout ].
Et comme s’il ne suffisait pas, Nathan Etoli assène un coup à la marque : “Moi, je regarde leur box comme une décoration. J’ai perdu 10 jours sur 30. Pour me rembourser, il (Canalbox) exige que je me réabonne. Je leur ai dit que je ne le ferai pas… qu’ils commencent d’abord par restituer mes jours”.
Sans trop de commentaire, Dora Mbuyi – Médecin – semble avoir trouvé ses compagnons de route : “Je pensais que j’étais la seule… Alors là, cette entreprise exagère”.
Belike Christian est tout décidé : “C’est du n’importe quoi ce canal box ! Des semaines et des semaines sans connexion internet ni remboursement et côté suivi technique zéro”, mentionne-t-il avant de conclure : “Nga kutu nazo kata yango” [ D’ailleurs, je m’en vais tout débrancher ].
Sur un post X de l’entreprise, publié le 7 août dernier, Ephrem Minga – aussi identifié sur le réseau social X comme Journaliste et Webmaster – songe déjà à aller voir ailleurs. “Je suis un client plus que lésé. Je n’ai pas de connexion Internet chez moi, cela fait 2 semaines, et c’est depuis le 31 juillet que vous promettez de remplacer la box sans jamais réaliser vos promesses ni vous excuser pour cela. Je suis sur le point de vous remplacer par un autre”.
Un sujet apparemment non congolais, Talreja Giri, est aussi victime du SAV Canalbox. En dessous d’un post Facebook de son fournisseur de ce 22 septembre, il écrit : “Le pire service de tous les temps”. Et pour sa part, sans gants, Audrey Lyzieve ne décolère pas : “Vous n’êtes même plus capable de me répondre, honte à vous! Bande de voleurs. J’attends toujours une équipe pour enlever votre machin de chez moi. C’est bien de prendre l’argent des gens mais le service qui correspond au 89 dollars qu’on paye, on ne l’a même pas”.
Sur cette route vers ce qui s’apparente au Golgotha congolais, chacun doit porter sa croix. Mais le temps nous manquerait si nous devrions aussi évoquer Joseph Anganga qui exhorte Canalbox à améliorer la qualité de son service technique avant de continuer dans son élan de souscrire des nouveaux abonnés. Ou encore, l’histoire d’Elysée à Mbudi, de Henock qui a quitté Lingwala pour Bandal, de la déception de Yannick Tala-Ngaï Davier, du sondage de “Mrs M” sur X où une cotation plus que négative a été attribuée au SAV Canalbox.
Toutefois, aussi amer que peut paraître le ras-le-bol de ces abonnés, il ne s’agit ici que d’une infime réalité d’un problème tout aussi complexe qu’invivable que ces derniers rencontrent. Réglés tels des répondeurs répétant le même speech, les agents du service client Canalbox se dressent comme un véritable mur du silence. N’étant pas un service gratuit, combien en terme de coût de communication faudrait-il encore dépenser avant de voir son abonnement rétabli ?
Dans notre prochain article, COÛTS CACHÉS DU SAV & PROMESSES NON TENUES , nous tenterons d’analyser les coûts additionnels pour les appels au SAV de CanalBox ainsi que son impact financier sur les abonnés. Par la même occasion, nous allons enquêter sur les promesses de rappel et de solution par le service client qui ne se concrétisent pas, tout en examinant les raisons possibles de ce décalage.