Développer une cyberstratégie, tenter de théoriser une territorialisation du cyberespace congolais, ne peut se concevoir sans une analyse rigoureuse de la nature de ce nouvel espace.
Concevoir et mettre en œuvre une telle stratégie repose avant tout sur la prise de conscience et la reconnaissance officielle du fait que le cyberespace est un territoire au même titre que l’espace aéroterrestre ou maritime.
La territorialisation du cyberespace congolais est un enjeu crucial pour la sécurité et le développement du pays. Relever ces défis sécuritaires nécessite une approche holistique et concertée, impliquant tous les acteurs : gouvernements, entreprises, société civile et communauté internationale.
Territoire et souveraineté
En effet, le cyberespace congolais doit être considéré comme un espace territorialisé. Or, le mot territoire prête à beaucoup de confusions. Le dictionnaire donne, en première définition, « une étendue de la surface terrestre sur laquelle vit un groupe humain, et spécialement une collectivité politique nationale ». Cette définition surprend, en introduisant très vite la dimension politique.
Avant d’évoquer ces aspects politiques, remarquons que le territoire signifie d’abord que l’espace en question, français ou plus exactement la « portion » de cet espace que constitue le territoire, est déterminée par les hommes qui vivent dessus.
Il est évident que personne ne vit « sur » le cyberespace congolais, même si la fréquentation assidue du cyberespace congolais provoque des comportements spécifiques et pour l’instant marginaux : à l’origine, un « geek » est un individu qui ne vit que dans le cyberespace. Sans adopter des comportements aussi radicaux, constatons à quel point une couche de plus en plus importante de la population congolaise, toutes classes sociales confondues, passe un temps croissant sur le cyberespace, soit par des ordinateurs (fixes ou nomades) soit au moyen des smartphones.
Il convient toutefois de comprendre deux traits de cette territorialisation : elle est circonscrite (c’est une portion d’espace, ce qui pose immédiatement la question des limites) et elle est définie par l’activité humaine.
Ainsi, le territoire est un espace circonscrit, vécu et représenté. Il signifie des limites, une population et un discours commun : trois facteurs éminemment politiques qui renvoient, le plus souvent, au rôle de l’État.
« Car qui dit territoire dit donc souveraineté, au moins relative. »
Comment dès lors adapter ces considérations générales sur la dimension politique du territoire à la nature du cyberespace congolais ?
Au fond, les deux derniers éléments (la population et le discours fédérateur) paraissent assez facilement transposables. En revanche, la question des frontières est plus épineuse.
Limites et frontières
La question des frontières paraît assez centrale dans la compréhension et la définition du cyberespace congolais, même si elle est souvent négligée. Une idée couramment répandue affirme qu’il n’y a pas de frontières sur l’Internet, voire sur le cyberespace. Pourtant, force est de constater qu’il y a des frontières sur le cyberespace et qu’elles auraient même tendance à se renforcer.
L’approche en trois couches permet de mieux le comprendre. Dans la première couche, physique, il apparait assez naturel de considérer la possibilité de frontières. La chose est moins évidente dans la deuxième couche (logicielle) et peut-être un peu plus perceptible dans la troisième couche, sémantique.
La République Démocratique du Congo (RDC) est confrontée à des défis majeurs en matière de sécurité et de réappropriation de son cyberespace, nécessitant une stratégie cohérente pour faire face à ces enjeux complexes.
Tout d’abord, il est crucial de reconnaître que le cyberespace congolais représente un territoire à part entière, mais dont les frontières sont mal définies. Cette absence de clarification entraîne des difficultés à contrôler les flux d’informations et à protéger les systèmes critiques contre les cyberattaques.
Un des principaux obstacles est le manque de moyens techniques et humains. L’infrastructure numérique limitée, la pénurie d’experts en cybersécurité et la formation inadéquate accentuent la vulnérabilité de la RDC face au cybermenaces, notamment la cybercriminalité en pleine expansion.
De plus, la fragmentation du paysage juridique complique la situation, avec des lois disparates et souvent inapplicables, ainsi qu’une coopération régionale insuffisante pour lutter efficacement contre la cybercriminalité.
Face à ces défis, plusieurs stratégies sont à envisager notamment :
Définition claire du cyberespace comme territoire :
– Définir les frontières du cyberespace sur les couches physiques, logique et informationnelle.
– Adopter une loi sur la cybersécurité qui consacre le cyberespace comme territoire national.
Renforcement des moyens techniques et humains :
– Mettre sur pied Commandement Cyber au sein des Forces Armées
– Investir dans le développement de l’infrastructure numérique et la mise en place de centres de données sécurisés.
– Détecter, recruter et former le noyau critique des ressources humaines en matière de cybersécurité-Cyberdéfense
– inculquer la culture de la cybersécurité à tous les niveaux pour développer des comportements cohérents et faire de chaque citoyen un acteur de sécurité dans le Cyberespace.
Contrôle des flux d’informations :
– Mettre en place des mécanismes de surveillance et de régulation du contenu en ligne.
– Lutter contre la désinformation et les discours de haine.
Protection des systèmes critiques :
– Évaluation de la stratégie (2022-2025) et définition d’une politique de cyber sécurité offensive
– Renforcer la cybersécurité des infrastructures gouvernementales, économiques.
– Élaborer des plans de réponse aux incidents cybernétiques.
– Disposer des moyens de lutte informatique offensive et défensive de portée nationale
Harmonisation du cadre juridique :
– Adopter une loi moderne et efficace sur la cybersécurité.
– Revue des lois- Réglementation des activités numériques liées à la cybersécurité
– Promouvoir la coopération régionale en matière de cybersécurité.
Promotion de l’innovation technologique locale :
– Investir dans le développement de solutions technologiques locales en matière de cybersécurité.
– Promouvoir l’innovation et la rupture dans le domaine des NTIC.
Renforcement de la collaboration internationale :
– Partager les informations et les meilleures pratiques avec les pays partenaires.
– Bénéficier de l’assistance technique des pays développés.